miNuit Blanche à Uzès

Fête de l'art et de la création contemporaine le 03 octobre 2014 à Uzès

RSNT

Publié le 3 Août 2014 par Et alors l'art ? in artistes et intervenants

RNST ...

RNST dessine. RNST peint. RNST a appris un jour de son pote Cynik (crew OCT) que ce qu’il faisait sur une toile ou une feuille, il pouvait le faire sur un mur. On ne le lui répète pas deux fois : il s’engouffre dans le mouvement street art sans savoir que c’est le nom que l’on donnait à cette pratique il y a quinze ans, à ses débuts. « Ce qui m’a plu dans ce mouvement d’art urbain, c’est sa dimension subversive. Mon œuvre est clairement engagée, même si j’aime pas ce mot », se reprend-il avec un sourire. On parle de son univers beaucoup plus rock que hip hop, et ça ne m’étonne pas franchement. Le discours et l’œuvre de RNST sont imprégnés de ces deux constantes dans lesquelles le rock prend racine : provoc et romantisme. Il évoque alors Le cri du peuple, qui offre une représentation de la liberté mise à mal, à travers sa Marianne à l’expression perdue quelque part entre tristesse et colère. L’artiste en est également venu à dénoncer les sociétés d’exploitation de pétrole dans TECHNIP de guerre. On croise encore des enfants qui s’insurgent, avec un contraste bouleversant entre l’intensité du regard et l’innocence de la fronde que l’un d’eux brandit vers le spectateur (cf. D’une pierre deux coups).

Mais son engagement ne se limite pas au fait de prendre parti pour une cause. Son discours révèle en effet une multitude d’influences qui viennent nourrir son travail. RNST tire principalement son inspiration de l’actualité, « et pas forcément celles des autres… ». L’artiste s’amuse à mêler des éléments a priori sans lien entre eux, qui, lorsqu’il les assemble, atteignent une toute autre dimension que leur premier niveau de lecture. Prenons pour exemple son œuvre Black Bird : elle est le résultat d’un croisement entre les Beatles (titre Black Bird), la symbolique celtique (le corbeau est un animal relié à l’univers de la guerre, Lévi-Strauss en a fait également un médiateur entre la vie et la mort) et l’Afghanistan (champ de pavots). Il est évident que sans l’explication par le menu, on passe à côté de ce que l’auteur a voulu dénoncer avec ce crâne posé sur un amas de douilles. Mais RNST ne jouera pas le jeu du commentaire composé en 3 axes pour exposer l’exégèse de son œuvre : « Mon art ne m’appartient pas. Je préfère que les gens s’interrogent et fassent leur propre interprétation ».

Cette manie de déposséder l’œuvre de son auteur s’invite même dans les supports de travail qu’il privilégie, c’est à dire des objets retrouvés dans la rue : « J’ai récupéré une porte de frigo, des bidons, des panneaux de signalisation… J’aime l’idée que ces objets ont déjà leur histoire. J’ai du mal à peindre sur une toile maintenant, je préfère ce genre de support qui offre d’autres possibilités ». Comme s’il ne voulait pas enfermer son art, il semble intervenir dans la vie de cet objet choisi à un instant t, sans imposer à tout prix son identité ni sa réflexion.

Enfin, la force de l’art de RNST provient sans aucun doute d’une implication technique très importante : il maîtrise le collage, le pochoir, la sérigraphie, la peinture et le graffiti. A coups de décomposition et de recomposition, cette pluridisciplinarité garantit un visuel puissant, avec des couleurs solides qui viennent remplacer le trait. Un résultat parfois violent, mais tellement poétique ! Je l’interroge sur cette jolie contradiction, qui pour lui n’en est pas une : « La violence fait partie de la vie, c’est naturel, c’est pour cette raison que je ne les opposerai pas. C’est la métaphore de la feuille d’arbre qui va le mieux illustrer l’idée : cette feuille si fragile procède du travail que les racines font en profondeur ; elles vont chercher plus loin dans la terre en cassant la roche ». Les couleurs ont l’air vieillies, comme au travers de ce filtre romantique que j’évoquais plus tôt : les rouges sont bordeaux, les bleus sont gris, les verts sont kakis… histoire d’atténuer la violence et de faire justement exploser la fragilité chère à RNST.

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